Ecrits

 
#48 La serre

 

Il y a eu de la vie ici.

Il y a eu des éclats de rire

et de la tendresse

parfois

oui.

Ces couleurs reflétées par les vitres

toutes ces couleurs

- résonnant sur le béton -

qui m’enivrent

chaque fois.

Il y a toujours

ce bonheur de ne pas me sentir seule

- jamais -

quand je pense à cet endroit.

Même s’il est déserté maintenant

et peut-être encore plus

depuis qu’il est abandonné.

Car la végétation l’envahit sans cesse sans jamais s’arrêter.

Elle sera toujours là

bien après les humaines.

Elle était là avant elle sera là après

et les couleurs aussi.

Les formes qu’elle dessine,

la vie qu’elle continue de porter,

sera toujours là

toujours

toujours là. 

 

Julie Boitte| 30/10/2025 

# 47 Prendre 

Tu ne peux pas t'empêcher de prendre

ce qui est en moi

ce que tu vois de l'extérieur

ce qui te plaît à l'intérieur.

Tu ne peux pas t'empêcher de te l'approprier

Et de croire que tout vient de toi,

que moi, je n'y suis pour rien.

Tu ne peux pas t'empêcher de me piller jusqu'au plus profond de moi, de mes aspirations

Je n'aurais jamais dû les formuler à haute voix

devant toi.

Je ne devrais pas me vanter de qui je ne suis pas

- encore -

ni de mes rêves sans limites

- aucunes -

Tout ça parce que je veux exister à tes yeux et aux yeux de touxtes celleux autour

Tout ça parce que je veux qu'on m'aime.

Prend tout si tu veux.

Moi, je te laisse

Je pars.

Je vais chercher qui je suis.

Je reviens

- mais pas vers toi -

dès que j'ai fini.

 

Julie Boitte | 15/08/2025

#46 Passion

I remember
what we were
what we tried to be
- both of us -
so hard
with so much illusion.
 
I remember
in which way we met
so long ago
and how we went down so deep
to keep that dream alive
- both of us -
 
I remember
the love we had
and how addicted we were
- both of us -
to the intensity
even if it hurt
even more if it made us bleed.
 
I remember
and I've had so many tears
for such rare moments of peace and happiness
when I was with you.
Now, it 's the end,
once again and for real.
I wish
a better life
- for both of us -
really
deeply
without violence
with enormous gentleness.
At last.
 

Julie Boitte| 16/07/2025 

#45 Rivières

J'ai un trou dans le coeur et j'me promène avec
Il est béant et prêt à s'agrandir au moindre prétexte
Les bords sont coupants comme du verre
L'intérieur est comme un volcan
Prêt à éructer au premier coup de sang
et sa lave éclabousse en brûlant tout ce qui peut l'être
Au 3ème degré ma peau est si sensible que le moindre effleurement la déchire un peu plus
Mais je souris bravement
Et à chaque sourire offert la force
Me revient
Mes blessures deviennent écorces se renouvelant
Mes yeux prennent la profondeur des feuillages
Dans mes bras viennent loger les oiseaux
A mes pieds se blottir les serpents les mulots
Mes larmes deviennent nuages
Des rivières flottent au-dessus de nous
Protection contre la sécheresse
Je sers à quelque chose
 

Julie Boitte| 08/06/2025 

#44 The Forest

 

I'm going to the trees

and the night

or the sunset.

So far away

and not close

- nevermore never nevermore,

close to your

town, complications, unability

- I'm sorry

sorry for you -

your unability to be

here with me.

And not only

only with yourself.

 

I'm going to the green

in my surroundings

or far away.

But the wind

soft or strong

everafter and always

able to clean

my mad spirit.

And the woods

into the wild

always, definitely always

secure for me.

 

Because I'm

not alone, never

alone with sounds

and atmosphere and

perfumes and skins

of the forest. 

 

Julie Boitte| 08/03/2025 | inopinément en anglais lors d'un atelier d'écriture queer à Bxl

# 47 Blue Valentine

Nous n’irons plus jamais

là où tu avais peur

là où tes mains tremblaient.

 

Tu es parti avant

ou peut-être n’ai-je fait

que rêver ta venue.

 

Il ne me reste rien

que mes rêves brisés

mes illusions

incapables de faire tenir debout

le lien que j’inventais.

 

C’est mon super pouvoir

y croire tellement fort

que les autres un moment

comme à une petite fille qu’on ne veut pas blesser

laissent tomber eux aussi

la réalité.

 

Et quand elle resurgit – car elle le fait toujours

ce monde bleu étoilé que j’avais si intensément tissé

s’écroule.

Ne reste alors de toi

que l’enveloppe vide

le costume trop brillant que je t’avais taillé.

Dedans tu es perdu, tu te défends, tu vrilles, tu te débats

et je comprends enfin que ce lien forcené

n'existe pas.

 

Julie Boitte| 14/02/2025

# 46 Bascule

 
Tout a changé depuis
- je crois
mes yeux se sont ouverts
Enfin
- peut-être.
J'espère
voir
ce qui est.
 
Je n'ai plus peur
- si?
Ou seulement de voiler à nouveau
mes yeux.
 
Ma réalité je la crée
et c'est beau.
Oui.
 
Comment sont les gens que j'aime
dans leur essence même
Je
le vois aussi
Et parfois
- souvent
ça fait mal.
Alors jusqu'ici je fermais les yeux.
Je n'étais pas aveugle non
Je ne voulais juste pas
Voir.
 
Mais j'essaie aujourd'hui
de
concrétiser le monde.
Celui que j'ai choisi.
J'y crois
A cette réalité.
Et je sais
- car j'en ai déjà rencontrées
qu'il y a des créatures
qui peuvent me faire écho
et auxquelles je suis moi aussi un peu
Reliée
Avec elles je fais le voeu d'être
et de rester.
 

Julie Boitte | 31.10.2024
#45 Forteresse
 
 
L'extérieur est fort
Les murailles sont lourdes
Chacun.e est posté.e
Pour ne rien laisser
Passer.
 
Au fond de ton corps
Une douleur sourde
Venue du passé,
Tu essaies toujours
De la bâillonner.
 
Mais
Ne ravale pas tes larmes.
Je n'ai aucune lame
Sur moi.
Laisse-nous entrouverte une porte
Dérobée,
Que nous puissions encore
Vibrer.
 

Julie Boitte | 2020