# 47 Prendre
Tu ne peux pas t'empêcher de prendre
ce qui est en moi
ce que tu vois de l'extérieur
ce qui te plaît à l'intérieur.
Tu ne peux pas t'empêcher de te l'approprier
Et de croire que tout vient de toi,
que moi, je n'y suis pour rien.
Tu ne peux pas t'empêcher de me piller jusqu'au plus profond de moi, de mes aspirations
Je n'aurais jamais dû les formuler à haute voix
devant toi.
Je ne devrais pas me vanter de qui je ne suis pas
- encore -
ni de mes rêves sans limites
- aucunes -
Tout ça parce que je veux exister à tes yeux et aux yeux de touxtes celleux autour
Tout ça parce que je veux qu'on m'aime.
Prend tout si tu veux.
Moi, je te laisse
Je pars.
Je vais chercher qui je suis.
Je reviens
- mais pas vers toi -
dès que j'ai fini.
Julie Boitte | 15/08/2025
#45 Rivières
Julie Boitte| 08/06/2025
#44 The Forest
I'm going to the trees
and the night
or the sunset.
So far away
and not close
- nevermore never nevermore,
close to your
town, complications, unability
- I'm sorry
sorry for you -
your unability to be
here with me.
And not only
only with yourself.
I'm going to the green
in my surroundings
or far away.
But the wind
soft or strong
everafter and always
able to clean
my mad spirit.
And the woods
into the wild
always, definitely always
secure for me.
Because I'm
not alone, never
alone with sounds
and atmosphere and
perfumes and skins
of the forest.
Julie Boitte| 08/03/2025 | inopinément en anglais lors d'un atelier d'écriture queer à Bxl
# 46 Bascule
#43 L'Autre Monde
#41 Denise
(...) parce que pour Denise,
c'est pas qu'il n'y avait pas eu de prétendant.e.s.
Des beaux, des belles, des riches et des intelligent.e.s.
Les voisin.e.s les avaient vu défiler devant la maison.
Alors,
chacun.e se demandait POURQUOI aucun.e n'était resté.e.
Non, ça ne pouvait pas être 'juste' à cause des poignées de porte?
Si? Non?!
Etait-ce si grave que toutes les poignées de portes de chez Denise
soient
en os? (...)
Julie Boitte | 2015 Extrait de "Antre[s]" sous le regard extérieur de Didier Kowarsky
# 34 La Lenteur
Quand le temps ne passe pas
Ou quand il passe trop vite,
Est-ce identique?
Je suis la tortue qui parfois hésite
Au lieu de poursuivre sa route
Tracée.
Si je m'arrête c'est pour
Sentir.
Ce qui serait juste
Pour moi seulement
(C'est là la dureté).
C'est LE défi
De chaque instant.
Revenir dans son corps
Lentement.
Plongeant.
Sentant son cœur qui s'emballe.
Et le calmer.
Redescendre profondément
Dans le fond du gouffre
Dans le fond du
souffle.
Respirant.
Jusque dans le ventre les tripes tous ces endroits dont on ne peut pas
- toujours pas -
Parler librement.
Même si Tout
Vient toujours de là.
De ce qui frémit depuis l'infini
Ce qui fait vibrer la moindre cellule
Et qui n'a jamais été
Petit.
C'est seulement qu'on lui a dit
De se taire de se diminuer de se planquer
Pour ne pas déranger.
Alors oui
Si tu te dépêches tu ne déranges pas tu fais ce qu'on attend de toi tu ne sens rien tu ne sens pas tu ne te relies pas à ce que l'extérieur pressé ne voit pas.
Car oui
Ces choses-là ne se donnent pas
Comme ça.
Car elles le savent
Qu'elles peuvent si vite
Et si durablement
Être abîmées.
Mais
TOUT est toujours venu de là:
Du fond.
De là où
On ne peut descendre que lentement.
Pas à pas.
Barreau après barreau après barreau, innombrables.
Clôture après barrière,
Barrage après barricades,
Innombrables.
Et de plus en plus solides.
Ou pas...
Si tu cesses de décider
avec ta volonté.
Si tu te laisses faire.
Si tu les laisses
T'ouvrir.
Le souffle lent
Donne douceur
Et calme.
Alors,
Au fond du fond du ralentissement le plus grand
- et toujours en mouvement pourtant -
Au fond du fond de ce fond-là
Quelque chose s'ouvre.
Une autre dimension un autre thème un univers
Qui réhydrate les racines retournées.
Qui ravive les couleurs rêvées.
Qui recrée ce lien
‘’Inimité’’.
Et c'est seulement quand je suis quand tu es quand nous sommes
Dans ce temps autre
Que
QUELQUE CHOSE
Se passe.
Une chose
Lente
Ou fulgurante.
Julie Boitte | janvier 2021 - prix reçu d'Uccle en poésie le 15 novembre 2021, catégorie slam
Comment savoir quand on est morte?
Comment en être sûre?
Tant de mort.e.s ne veulent pas partir, parce qu'ilelles ont été surpris.es et n'ont pas compris.
Comme cet homme resté sur le chemin devant chez lui, car il ne savait pas.
Comme cette jeune fille qui ne pouvait plus franchir les portes du jardin.
Les mort.e.s ne se savent pas toujours.
Et nous? Comment sommes-nous si sûr.e.s d'être vivant.e.s?
Quand on a si mal?
Quand on voudrait dormir tout le temps?
Quand on rêve un orgasme incessant
Pour pouvoir mourir dedans?
Oui.
C'est ça.
Toutes ces morts tous ces départs
Comment est-on si sûr.e.s d'y avoir survécu?
Comment être certaine que je ne suis pas vraiment morte sur le sol de la salle d'exposition évanouie parce que j'étais si
High.
Ou quand je me suis recroquevillée si fort
jusqu'à ne faire qu'une avec le pommier
pour étouffer les battements désordonnés
de mon cœur
quand j'ai cru que tu m'avais quittée?
Ou quand Marie-Jeanne était dans ce cercueil ouvert et que j'ai eu si envie de m'y jeter?
Ou quand j'étais Saint-Sébastien transpercé parce que je l'avais demandé à
La Madre?
Ou quand ma mère à moi ne me regardait et ne me parlait pas alors que je n'étais
qu'une enfant, que j'étais SON enfant?
Comment puis-je être sûre d'avoir survécu à tout cela?
Comment avoir la certitude que je ne suis pas passée de l'autre côté et que les autres ont juste peur de me le dire parce qu'ilelles en ont assez de me voir encore
Pleurer?
Je ne suis pas certaine.
Je ne la sens pas, parfois, cette vie qui pourtant devrait circuler dans mes veines.
Mais quand je la sens, c'est qu'elle me transporte.
Quand je la sens, je suis plus qu'humaine
Quand je la sens, c'est car la grâce
Me touche
Et que par hasard, je suis sur scène.
Traversée
Par quelque chose de plus grand de plus beau de plus puissant
Que moi.
Alors là oui je sens la vie.
Comme quand je suis près de toi
Et que toi aussi
Tu es vraiment là.
Julie Boitte | janvier 2021
26# Sorcière
Des amants oui, parce qu'il faut bien décharger cette énergie.
Qu'elle ne se transforme pas en RAGE. Destructrice. Parce que CestTellementTropLaBêtiseHumaineQu'onNePeutPlusAvoirNeSeraitce Qu'uneOnceDeBienveillance -Personne ne peut. Personne de lucide.
Ah si, bien sûr, il y a toujours ceux qui tombent en amour parce qu'ils sont fascinés.
Par leur corps d'abord. Par leur audace éventuellement.
Mais d'abord parce qu'ils s'imaginent les dominer, enfin. Et parce qu'ils croient qu'ils vont les sauver. Bien sûr. Avant de les museler. Pour l'éternité.
Même si c'est vrai, au début, elles auraient aimé. Même si c'est vrai au début elles l'ont souhaité, elles ont essayé.
Car au début, elles ouvraient encore leur coeur avec sincérité.
Car elles avaient cru - de par une lointaine aïeule qui l'avait tant répété - qu'elles se devaient d'être authentiques.
Au départ elles avaient tout bien fait comme on leur avait dit. Tout. Plus que tout. Bien. Très bien. Plus que très bien. Mais, ça n'était jamais assez. Jamais assez. Jamais assez bien.
A demi-mots tous.tes leur disaient qu'elles étaient défaillantes, manquantes. Que n'importe qui ferait mieux qu'elles. Tellement mieux qu'elles. Et sans rechigner.
Alors à un moment elles ont juste cessé de pleurer. A un moment elles ont juste arrêté de s'illusionner. Et elles n'ont plus pu faire confiance à personne. Parce que personne n'est toujours digne de confiance.
Et elles ont juste su qu'elles ne pourraient jamais plus baisser la garde. Plus jamais baisser la garde. Jamais. Avec qui que ce soit. Quelles que soient les promesses. Quelles que soient les paroles. Car non, une fois que les yeux sont dessillés, on ne peut plus, se confier.
août 2019 | Julie Boitte
Ecailles irisées.
Halo de lumière. Dorée. Toujours dorée.
Flots.
Ecume de chevaux galopants.
Se battre toujours contre le rouge. Taureau.
Cheveux blancs.
Mémoire enfuie. Enfouie.
Qui étais-je avant?
Avant toi? Avant lui? Avant elle aussi.
Flou.
Je vois flou depuis si longtemps.
Peut-être que c'est là qu'apparaîtra le chiffre. Derrière les lignes.
Caché.
Derrière les géométries folles. Du monde. Et de la vie.
Je scrute dans le brouillard. Et j'espère...
J'espère.
Personne ne viendra plus maintenant.
La brume et ses voiles me cachent moi.
Pour que je puisse continuer à dire que je ne sais pas.
Dorée la lumière oui.
Et les écailles?
De dragon.
Pas de sirène ni de gentil poisson.
Julie Boitte | 07.2017
Le ciel est encore bleu
J'ai peur de la mort
Où est mon amant ?
Les arbres nus
Me rappellent ton manteau,
Lorsque nous étions ensemble
La nuit tombe
Les yeux du chat sont verts
Tu es si loin
Les nuages roses
Par la fenêtre de ma chambre
Peuplent ma solitude
L'horloge grince
Mon coeur est fou
A toi contre moi, je pense
Dans ma caverne
A l'abri du monde qui m'agresse
Je t'attends
Le thé brûle
Mes mains sont froides
Je voudrais dormir, enfin
La corneille sur le sommet
Comme un enfant qui pleure
J'ai besoin d'un refuge
Le cyclamen se fane
Mes ongles longs se cassent
Je ne sais plus qui je suis
Dans le creux du monde
Le silence est fou
Tandis que je m'agite, sans cesse
Julie Boitte | décembre 2016
Je pourrais croire que tu danses.
Si tu n'avais pas le pied gauche accroché à une corde.
Mais même ainsi, tes jambes sont comme des lianes, agiles, solides aussi.
Qui pourraient te soutenir, t'ancrer droit dans la terre, si tu n'avais pas la tête à l'envers.
Tu as l'air de rêver.
Tu ne souris pas vraiment mais tu sembles serein.
On dirait que tu flottes, dans l'espace – comme un cosmonaute, ou dans l'eau – comme un homme grenouille.
L'or et l'argent sortent d'entre tes coudes.
Tes cheveux sont d'un ange. Ils te nimbent d'une aura étrange.
Mais tu n'es pas seul.
Mes frères t'encadrent.
Comme s'ils se mettaient à ton diapason.
Comme s'ils veillaient sur toi, humain-trésor, jeune homme précieux, irremplaçable.
Leurs feuillages sont à la même hauteur que ton visage.
Leurs feuilles étoilées répondent par leur forme à la couleur de tes cheveux d'or.
Tu flottes, tu planes : ils s'enracinent pour toi.
Tu es apaisé : ils sont dans l'ailleurs, loin du réel.
Ils sont la nature forte, pour toi.
Tu te laisses faire par eux.
Tu bois leur présence.
Sans aucune résistance.
Ils veillent. Ils vieilliront au-delà de toi. Ils sont dressés mais non tendus.
Ils sont debout mais ne tuent pas.
Ils sont.
Sages par essence. Stoïques. Résistants. Inébranlables. Millénaires. Universels.
Arbres.
Julie Boitte | mai 2016 - sur la carte du tarot de Oswald Wirth, dans le cadre du projet "De sève et de son"
Assise à l'entrée
petite maison-cabane
au pied d'un arbre / en fleurs
elle ne sourit pas
elle tient dans ses bras une poupée
sa poupée
bras de poupée qui tombent
tête de poupée qui part/ en arrière
l'enfant ne pleure pas ne dit rien
ne sourit pas
les yeux dirigés vers le corps sur ses genoux
le regard ailleurs
les mains soutenant le corps de poupée inerte
elle est pieds nus l'enfant
cheveux tressés
raie au milieu des cheveux lisses
robe grise
foncée
col montant
manches longues
pas de bas
jambes dénudées
c'est un soir d'été
la poupée est morte
l'enfant est pensif
après
il ne s'est plus rien passé
Julie Boitte | 10.11.15